Mécanismes comportementaux déterminant dans la consommation d’électricité des ménages
Ce projet a étudié le potentiel d’économies d’énergie que procure une information plus détaillée des ménages sur leur consommation d’électricité. Une expérience de terrain à grande échelle a montré qu’un feedback comportemental améliorait de 5 % les économies d’énergie par rapport à un feedback global, alors que les incitations ne génèrent pas d’effort supplémentaire.
Description du projet (projet de recherche terminé)
Un des objectifs centraux de la Stratégie énergétique 2050 est d’aider les ménages à utiliser les ressources plus efficacement. Le déficit d’information et le manque d’attention sont deux obstacles clés à la prise de décisions favorables à la préservation des ressources. En matière de consommation d’électricité, on supposait que le déploiement de compteurs intelligents améliorerait la qualité des informations et se traduirait par une baisse sensible de la consommation. Les chiffres révèlent toutefois que dans les pays ayant une consommation de base modérée, comme la Suisse, l’Allemagne ou l’Autriche, les compteurs intelligents n’ont entraîné qu’une baisse d’environ 3 %.
But
L’objectif de ce projet était de tester si des informations spécifiques aux comportements peuvent contribuer à améliorer ces effets très limités sur la modération de la consommation, et si le fait d’associer au feedback des incitations aux économies d’énergie spécifiques aux comportements peut consolider ces efforts de modération. À cet effet, une expérience de terrain à grande échelle a été menée en utilisant les données de plus d’un millier de ménages privés. Tous les groupes impliqués dans l’expérience ont reçu une appli sur smartphone, capable de leur fournir des informations sur leur consommation d’électricité. Les cinq groupes expérimentaux formés ont chacun reçu des retours d’informations et des incitations différents : (i) un groupe a reçu des informations globales sur sa consommation d’électricité ; (ii) un groupe bénéficiait en outre de retours spécifiques aux comportements pour cinq catégories de consommation d’électricité ; (iii) un groupe recevait en plus des informations du groupe (ii) des incitations à améliorer son comportement le moins efficace ; (iv) un groupe recevait en plus des informations du groupe (ii) des données sur l’amélioration de son comportement le moins efficace par rapport à d’autres ménages participants ; (v) un groupe recevait en plus des informations du groupe (iv) des incitations d’amélioration par rapport à d’autres ménages participants. Enfin, il y avait un groupe témoin (hors expérience) de ménages chez qui des compteurs intelligents avaient été installés par leur fournisseur d’électricité à des fins non liées à cette étude.
Résultats
La fourniture seule d’informations globales sur la consommation d’électricité n’a pas montré d’effet significatif en termes de modération des usages. Ce constat ne diffère guère des conclusions d’autres études, qui n’ont relevé qu’une légère amélioration des économies d’énergie (2 % - 3 %) pour des ménages comparables. En revanche, une hausse sensible de l’efficacité énergétique a été observée dans tous les groupes bénéficiant d’un feedback spécifique aux comportements : les ménages ont réduit leur consommation d’électricité de 6 % à 10 % par rapport à ceux qui n’avaient qu’un feedback global. Ainsi, l’association d’informations comportementales triple grosso modo l’influence sur la modération de la consommation en comparaison aux informations globales des compteurs intelligents. Conformément à des études précédentes, on s’aperçoit également que ce sont les ménages ayant une consommation de base élevée qui font le plus d’économies en réaction au feedback comportemental.
Entre les quatre groupes bénéficiant d’un feedback comportemental, aucune différence significative n’a été relevée en termes d’effets de modération. Ainsi, l’ajout d’incitations financières pour encourager les économies d’électricité n’a ni diminué ni augmenté les efforts de modération de la consommation par rapport au groupe bénéficiant simplement d’un feedback détaillé. Ces résultats suggèrent que la vigilance est un mécanisme clé pour des effets durables sur la modération des usages.
Les résultats ont aussi mis en évidence de nettes différences en fonction du moment de la journée. Les effets du feedback détaillé sur la modération sont les plus grands aux heures où les ménages sont chez eux et ont la consommation d’électricité la plus élevée, alors qu’ils sont quasiment nuls en dehors de ces horaires. Durant les heures de pointe, le feedback spécifique au comportement permet de réduire la consommation d’électricité de 10 % à 20 %.
Aucune véritable tendance de prise d’habitudes n’a pu être constatée. En revanche, il a été observé qu’une réduction du nombre de messages transmis aux ménages par l’appli du smartphone se traduisait par une diminution des effets sur la consommation. Ce constat suggère lui aussi que la vigilance joue un rôle clé dans les économies d’énergie des ménages.
Importance
Implications pour la recherche
Les résultats de l’étude soulignent le rôle central de la vigilance et des informations dans l’obtention d’un effet de modération. Ils montrent que les individus sont davantage motivés à la modération lorsque les informations qu’ils reçoivent sont assez précises pour mettre en évidence leur consommation d’électricité. Les incitations à la modération n’ont, quant à elles, pas d’effet significatif sur les comportements.
Implications pour la pratique
Les résultats de l’étude montrent que le déploiement de compteurs intelligents peut se traduire par des effets connexes non négligeables en termes de modération des usages. Toutefois, ils révèlent aussi que la mise à disposition d’informations générales sur la consommation d’électricité est insuffisante. Pour obtenir des effets significatifs sur la préservation des ressources, les fournisseurs d’électricité doivent fournir un relevé détaillé de la consommation d’électricité, ventilé en fonction des différents usages.
Importance
Le projet s’appuie sur les compteurs intelligents déjà déployés en Suisse. Il s’attache à mettre en place des collaborations étroites avec les entreprises de production d’électricité. Les compteurs récoltent et compilent les informations à l’aide d’une technologie ingénieuse pour les présenter aux consommateurs par le biais d’une interface simple et intuitive. Le projet expérimente de nouveaux mécanismes prometteurs permettant d’induire un changement significatif des habitudes sur la base des enseignements de la recherche comportementale menée en économie et en psychologie.
Responsables du projet
- Prof. Lorenz Goette, Dépt d'économétrie et économie politique, Faculté des Hautes Etudes Commerciales, Université de Lausanne
- Prof. Rafael Lalive d'Epinay-Gisin, Dépt d'économétrie et économie politique, Faculté des Hautes Etudes Commerciales, Université de Lausanne